YANG Chengyu: L‘élection présidentielle française et son influence sur les relations internationales

Le 27 février, lUnion européenne a annoncé que tous les États membres accepteraient des réfugiés ukrainiens durant les trois prochaines années. Quelque trois millions de réfugiés ont déjà quitté lUkraine. Cela met la politique étrangère de la France au centre de lélection française. Ces dernières années, la situation internationale a connu des changements complexes et le COVID-19 a durement impacté léconomie et la société françaises. Lescalade de la crise ukrainienne a déclenché une nouvelle vague de réfugiés, ce qui a engendré un sentiment inédit de conservatisme et dinsécurité chez les Français. Poussés par lopinion publique, les candidats se sont concentrés sur des questions régaliennes telles que limmigration, laccueil des réfugiés, la sécurité, la souveraineté, lindépendance et lidentité. Ils sont désireux dutiliser ces questions pour gagner plus de voix.  

La question de limmigration est une préoccupation de longue date dans la société française. Lintérêt de ce sujet est que lespace pour faire des promesses électorales est large alors que le coût politique est faible. Cest pour cela que limmigration est le thème favori des candidats dextrême droite. Marine Le Pen et Éric Zemmour ont une position claire sur cette question et disposent par conséquent dune base électorale solide. On sattend à ce que les candidats dextrême droite profitent de la situation internationale actuelle pour augmenter leur popularité. Ils tirent parti des préoccupations des Français qui pensent que les réfugiés ukrainiens touchent leurs intérêts économiques et sécuritaires réels.   

Néanmoins, comparé à dautres candidats à la présidentielle qui ne peuvent se concentrer que sur des questions domestiques telles que limmigration, la sécurité et le pouvoir dachat, le président en exercice Emmanuel Macron a lavantage naturel davoir une place sur la scène internationale. Il a mené des actions diplomatiques dynamiques pour faire face à la crise ukrainienne et, assumant la présidence du Conseil de lUE, il sest créé une image de protecteur de lEurope. Les prouesses diplomatiques de Macron sont connues de la plupart des Français et lui rapportent des voix.    

Sagissant de leffet des résultats électoraux sur la situation internationale, il faut dabord reconnaître que la France jouit dune influence internationale. Membre permanent du Conseil de sécurité de lONU, la France a une grande influence dans les affaires internationales et la gouvernance mondiale. Pour lEurope en particulier, Macron a remporté lélection présidentielle il y a cinq ans grâce à une image pro-européenne. Nous avons également vu quau cours des cinq dernières années, il na cessé dexprimer sa position sur des questions importantes liées à lavenir de lEurope, telles que lintégration européenne et lautonomie stratégique. Il sest efforcé de jouer un rôle de premier plan dans la construction et la réforme européennes. On peut affirmer que la réélection de Macron apporterait une continuité politique à lintégration européenne et à lautonomie stratégique européenne. Cela aurait un effet positif sur la situation internationale ainsi que sur le développement et la stabilité de lEurope.    

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De nombreux candidats ont fait preuve dune attitude amicale envers la Chine. Par exemple, Macron a accordé une grande attention à la coopération avec la Chine depuis son arrivée au pouvoir et a contribué significativement au développement des relations sino-françaises au cours de son mandat. Valérie Pécresse a publiquement félicité louverture du centre de recherche Huawei à Paris, et a proposé de renforcer les échanges humains et culturels entre la Chine et la France. Éric Zemmour suggère de suivre la politique étrangère marquée par lautonomie du Général de Gaulle et de ne pas suivre la voie des États-Unis concernant la politique vis-à-vis de la Chine.     

La France a été le premier grand pays occidental à établir des relations diplomatiques avec la République populaire de Chine. On constate que la Chine et la France ont conservé une relation de coopération de haut niveau ces dernières années. Les chefs dÉtat des deux pays se sont rendus visite et ont maintenu des échanges étroits pendant la pandémie de COVID-19. Le commerce et les investissements bilatéraux ont enregistré une croissance régulière. La coopération a été étroite dans des domaines de haute technologie tels que laviation, laérospatiale, lénergie nucléaire, la machinerie et lindustrie chimique, ainsi que dans lagroalimentaire. C'est là une base solide pour conserver de bonnes relations sino-françaises. Étant donné que les candidats sont amicaux vis-à-vis de la Chine, la politique française envers la Chine après la présidentielle pourra rester sur la bonne voie du passé. En regardant plus loin, puisque la France est un pays influent au sein de lUE, des relations sino-françaises stables peuvent contribuer aux relations sino-européennes.    

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Sur sa plateforme électorale, Emmanuel Macron promet de créer une France « plus indépendante ». Cette promesse résulte dune multitude de défis auxquels la France a dû faire face ces dernières années et qui ont consolidé la détermination de Macron de « défendre la souveraineté ». En loccurrence, la pénurie de matériel de protection médicale et labsence de capacité de production en France pendant la pandémie ont réveillé la conscience de la « souveraineté sanitaire ». Confrontée à des ruptures des chaînes dapprovisionnement, lindustrie française a manqué de matières premières et de produits intermédiaires fortement dépendants de létranger, ce qui a accéléré la prise de conscience du besoin de réindustrialisation. De plus, les sanctions contre la Russie ont pesé sur lapprovisionnement énergétique de la France, ce qui a donné lieu à la « souveraineté énergétique ». Tous ces exemples illustrent lesprit traditionnel dautonomie de la France et lorientation de la réforme visant à réduire la dépendance excessive vis-à-vis des pays étrangers. Par rapport au thème de « la réforme » mise en avant par Macron dans sa campagne de 2017, cette élection accorde une plus grande importance aux nouveaux défis domestiques et internationaux et à une « France plus indépendante ».    

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Selon le sondage dIpsos & Sopra Steria, lindice de participation au premier tour est de 67%, contre 78% en 2017. Plusieurs raisons peuvent expliquer un taux de vote ou un niveau de participation politique faible. La première est limpact de la pandémie. On remarque que la situation sanitaire en France est grave, et le nombre dinfections quotidiennes reste élevé. On peut dire que la pandémie a en quelque sorte freiné la mobilité en France. Cela a été le même cas lors des élections municipales en 2020. À lépoque, la France était frappée de plein fouet par la pandémie, et le taux de vote au second tour navait été que denviron 40%. La deuxième raison est limpact de la crise ukrainienne. La crise a une influence directe sur la vie et le pouvoir dachat des Français, distrayant leur attention dans lélection. Troisièmement, le système électoral occidental est en panne. Ces dernières années, on constate un faible taux de participation dans tous les pays occidentaux. Les électeurs se désintéressent de plus en plus des événements politiques et perdent confiance dans les hommes politiques. Certains électeurs nont pas de candidats préférés. Dès lors, ils pensent que « ce sera pareil quel que soit le candidat » et ils sabstiennent.  

*Yang Chengyu est chercheur associé à l’Institut d’études européennes de l’Académie des sciences sociales de Chine 

*Dialogue Chine-France, 2022-04-08.